Face aux infox, comment développer l’esprit critique ?

Face aux infox, développer l’esprit critique

26.11.2019

Démultipliées par les médias et les réseaux sociaux, les fausses informations pullulent. Développer l’esprit critique devient de plus en plus nécessaire. Mais comment construire une « tête bien faite » ? Éléments de réponses de Nicolas Gauvrit et Sylvain Delouvée chercheurs en sciences cognitives.

Des fake news (informations erronées) aux rumeurs, des campagnes de désinformation aux théories du complot, nous ne savons plus qui croire, et quelle crédibilité accorder à ce que nous lisons et entendons à longueur de journée ? Animal social, l’être humain est soumis à de multiples influences, mais il a naturellement tendance à croire ce qu’un interlocuteur lui dit. Pour éviter de tomber dans les pièges que nous tend désormais la société de l’information, l’éducation à l’esprit critique semble écessaire. Apprendre à douter face à une idée séduisante, savoir vérifier les sources d’information, rester prudent face aux affirmations d’une personnalité qui fait autorité : ce que l’on nomme parfois « l’hygiène mentale » passe par l’acquisition de réflexes et de méthodes d’autodéfense.

Comment définir l’esprit critique ?
On a souvent en tête l’idéal du raisonnement mathématique, la logique classique, où chaque proposition est soit parfaitement vraie, soit parfaitement fausse, et où des règles implacables dictent la vérité. Mais les êtres humains ne raisonnent pas selon cette logique, carrée, binaire. Au contraire, nous cogitons de manière élastique, acceptant qu’un énoncé puisse être à demi correct, évalué le long d’un continuum reliant le vrai et le faux. Je dirais que l’esprit critique est la capacité à raisonner de manière autonome et rationnelle, et d’être ni naïf, ni rigide dans ses idées.

Mais peut-on penser de manière autonome, hors l’influence d’autrui ?
L’esprit critique est un entredeux. L’art du doute ne signifie pas douter de tout, tout comme avoir de l’esprit critique ne signifie pas être systématiquement sceptique. Il faut trouver un juste équilibre entre doute et croyance. Développer l’esprit critique conduit à connaître certains biais cognitifs qui affectent nos raisonnements.
Par exemple, lorsqu’on écoute une personne qui fait autorité dans un domaine et que l’on ne comprend pas ce qu’elle dit, on a spontanément tendance à la croire. On se dit que soit le discours ne veut rien dire, soit on n’est pas assez intelligent pour le comprendre. Et souvent, c’est la deuxième option qui l’emporte car on fait face à un expert. Or, l’esprit critique pousserait plutôt à douter et à être capable de suspendre son jugement face à des propos qui ne paraissent pas compréhensibles.

Quelle hygiène mentale mettre en place face à la prolifération de fausses informations ?
Face à la masse d’informations et la rapidité de leurs mises en doute à l’heure d’internet, il est nécessaire de développer une autodéfense intellectuelle. En pratique, chaque citoyen devrait adopter deux principes clés : d’une part, savoir douter de soi-même ; d’autre part, essayer de trouver des contre-exemples.
L’esprit critique est lié à des compétences telles que l’interprétation, l’analyse, l’explication ou l’évaluation, et l’éducation doit permettre d’acquérir ces compétences en se basant sur de nombreuses études et des méthodes concrètes.

destetesbienfaites

Des têtes bien faites ouvrage co-dirigé par Nicolas Gauvrit et Sylvain Delouvée chercheurs en sciences cognitives (PUF, 2019).