Mais que mangent-ils à la cantine ?

Mais que mangent-ils à la cantine ?

09.03.2022

Apport nutritionnel, santé des enfants, prévention de l’obésité, mais aussi habitudes culturelles et transition des territoires, la restauration collective tente de répondre à de nombreux enjeux qui sont rarement discutés avec les parents.

 

État des lieux d’une cantine qui s’adapte lentement avec Isabelle Bertegnier.

 

 

À quel problème se confronte la cantine selon vous ?

A l’heure de l’urgente nécessité de décarboner notre alimentation pour le futur de la planète, il y a, je crois, de quoi s’inquiéter lorsque l’on observe ce qui arrive chaque jour sur les tables des cantines. On voit encore dans beaucoup d’endroits, des millions de barquettes réchauffées en provenance de cuisines centrales qui fonctionnent comme des usines, avec des approvisionnements massifs qui ne sont ni locaux, ni bio ou alors d’importation ! La barquette arrive, on ne sait pas vraiment ce qu’elle contient, ni d’où elle vient, qui l’a faite, ni comment ! D’un point de vue santé et éducation alimentaire le constat n’est pas mieux au regard de la qualité des aliments issus de l’industrie agroalimentaire. Ce type de modèle de la restauration collective qui perdure au nom d’une efficacité économique doit être remis à plat.
 

Comment ce modèle peut-il être remis à plat ?

Qu’elles soient publiques ou privées, les grosses cuisines centrales ont été instaurées au nom d’une économie d’échelle. Mais à y regarder de plus près, les frais de fonctionnement à assumer sont finalement assez importants et ne sont pas très logiques en termes d’impact sur l’environnement lié au transport, à la logistique, ou à une très forte consommation d’emballages. Cette rentabilité prétendue est à regarder en face aujourd’hui et à confronter à d’autres modèles qui se basent sur d’autres principes.

 

Quels principes seraient à encourager selon vous?

Il faut absolument qu’on rétablisse le lien affectif entre le cuisinier, le mangeur et le producteur. C’est un lien fondamental qui n’existe plus dans les cuisines centrales. Pour cela, il faut privilégier les cantines à taille humaine qui permettent d’élaborer des repas entièrement faits sur place à partir de produits locaux, bio, bruts et frais. Il faut que la cuisine sente bon, que les assiettes soient composées de vrais aliments à haute valeur nutritionnelle et que les cuisiniers soient là pour dire bonjour aux enfants. Et si en plus, on invite à la table le  producteur local et bio qui explique son métier, qui présente les variétés de pommes de son terroir et leurs utilisations, là on participe à l’éducation, à la sensibilisation de l’enfant pour sa consommation future. Ces transformations sont bien sûr à mettre en place dans la concertation et la diplomatie avec les bonnes volontés. Mais c’est ainsi qu’on peut créer du sens pour l’enfant et pour les acteurs de la restauration collective.

 

"Si on introduit des repas végétariens pour la santé et pour la planète,
il faut qu’ils soient bien nommés, bien cuisinés et bien présentés !
Sinon ils finiront aussi à la poubelle !"

 

Comment les parents peuvent-ils s'intéresser à la cantine de leurs enfants ?

L’un des constats que j’ai fait en m’intéressant à la question, c’est l’opacité à laquelle on se confronte en tant que parent mais aussi en tant que citoyen. Qu’il s’agisse des ingrédients, des fournisseurs, des techniques de liaisons chaudes ou froides, l’information est peu disponible et peu accessible même lorsqu’on fait des demandes notamment en tant que parent d’élève. Sous couvert de normes, d’hygiène ou de règles des marchés publics en restauration collective, il y a rarement un espace de discussion, et encore moins en période de pandémie ! Pourtant ces questions intéressent les parents ! Heureusement, les choses bougent et certaines collectivités locales prennent conscience de ces enjeux dans leur globalité et généralisent cette restauration collective à échelle humaine.
 


Isabelle Bertegnier est co-fondatrice de « Pas d’usine, on cuisine »
et diététicienne nutritionniste chez « Nourrir l’Avenir » scicnourrirlavenir.com