Alcool, une maladie française ?

Alcool, une maladie française ?

26.11.2019

Une étude récente a révélé que la consommation d’alcool en France stagnait alors que la tendance était jusqu’alors à la baisse régulière. L’alcool est-il une maladie bien française ? Comment lutter contre cette addiction ?

Depuis le début du 20e siècle, la consommation annuelle d’alcool pur par Français n’a cessé de baisser. Alors qu’elle était de 26 litres dans les années 1960, elle avait chuté jusqu’à 20 litres dans les années 1970, à 14 litres en 2000 et 11,7 litres en 2017. Une tendance encourageante, donc. Mais cette réalité semble s’infléchir ces dernières années, d’après l’étude réalisée par Santé publique France* dont les résultats ont été dévoilés il y a quelques mois.

Pour la première fois depuis 2013, la consommation annuelle d’alcool se stabilise au lieu de continuer à diminuer.


DES USAGES ÉVOLUTIFS !
Les usages sociaux autour de l’alcool évoluent à chaque génération. Les chiffres de l’enquête de Santé Publique France confirment la baisse de consommation  quotidienne (10 % des Français boivent tous les jours contre 24 % en 1992), mais le volume ingéré en une seule fois augmente. Les Français associent ainsi davantage l’alcool à la fête et boivent de façon moins journalière. Cette tendance touche notamment les jeunes qui cherchent moins à découvrir et apprécier les grands crus qu’à ressentir rapidement les effets de l’ivresse, comme le montre le phénomène de « binge drinking » consistant à ingérer de grandes quantités en un laps de temps
restreint. Cette transformation des habitudes de consommation n’a rien de rassurant. Pour l’Académie nationale de médecine, l’alcool reste un vrai problème de santé publique.


MAIS UNE PRATIQUE TRÈS ANCRÉE…
Qui envisagerait un repas de famille ou un événement amical sans une bonne bouteille ? Comme l’illustrent les petites phrases prononcées par certains ministres eux-mêmes, le vin occupe une place à part dans le patrimoine culturel français. Considéré (à tort) comme un alcool « pas comme les autres », le vin reste pour beaucoup l’ingrédient indispensable à toute bonne sociabilité.
Pour l’Académie nationale de médecine qui alertait le gouvernement en mars dernier, il est urgent de mettre en place des mesures plus fortes contre l’alcool, responsable de plusieurs milliers de morts évitables chaque année. Et de dénoncer le poids des lobbies qui selon elle freine la mise en oeuvre d’actions “efficaces”. Un rapport de la Cour des comptes de 2016***soulignait bien que la fiscalité française est davantage orientée vers la protection de la production vinicole nationale que vers des objectifs de santé publique. Les taxes sur le vin et sur les alcools sont bien inférieures à celles qui existent sur le tabac. De plus elles n’abondent pas le Fonds de lutte contre les addictions mis en place fin 2018 afin de financer les actions de prévention et les dispositifs d’aides.


DE NÉCESSAIRES MESURES FORTES
Faut-il le rappeler, les conséquences de l’abus d’alcool sont dramatiques ! L’alcool cause chaque année la mort de 41 000 personnes dans l’Hexagone, dont 30 000 hommes et 11 000 femmes, victimes de maladies (digestives, cardio-vasculaires, mentales) ou de conséquences dramatiques directement liées à l’alcool (accidents de la route, violences, suicides)... La France se place au 6e rang des pays de l’OCDE les plus gourmands en alcool. Une « performance » plutôt inquiétante pour l’Académie de médecine et les associations qui réclament des mesures fortes à l’État. Parmi les solutions évoquées figurent la hausse des taxes et des prix de vente des boissons alcoolisées, la taxation au gramme d’alcool, l’interdiction totale de toute publicité pour l’alcool, le renforcement de l’avertissement pour les femmes enceintes ou encore des actions de pré-vention auprès des jeunes. En tout état de cause, malgré une opinion très favorable à ces mesures, le Plan national de mobilisation contre les addictions adopté par le gouvernement paraît encore insuffisant à ceux qui appellent à « changer l’image de l’alcool dans notre société ».

Les chiffres d’une culture de l’alcool
L’alcool est la 2e cause de mortalité évitable * (41 000 décès par an) après le tabac (75 000 morts par an), et la 1ère cause chez les 15-30 ans.
40 % des violences faites aux femmes et aux enfants sont liées à la consommation d’alcool.
On estime que la conduite sous l’influence de l’alcool est responsable d’environ 1 400 décès par an, de 124 000 condamnations
pour infraction routière (soit la moitié des condamnations pour infractions routières en 2012).

Plus de régles
70 % des Français** sont très favorables à l’interdiction totale de la publicité
90 % trouvent insuffisante la prévention du risque de l’alcool chez les jeunes.