Prothèses auditives, les freins à l'appareillage
En France, une personne sur quatre souffrant d’une mauvaise audition liée à l’âge est équipée d’un appareil auditif. Pourquoi un tel sous-équipement ? Le Docteur Jean-Marc Juvanon analyse ce phénomène et évoque les dernières évolutions techniques.
On parle de prothèses auditives ou d’appareils auditifs. Quelles sont les caractéristiques de ces équipements ?
Le terme « prothèse » est plutôt négatif. Un appareil auditif est une aide acoustique destinée à amplifier les sons. La plupart des appareils sont des contours dotés d’un boîtier placé derrière l’oreille et d’un tuyau allant jusqu’au conduit auditif. Ce type d’appareil est de plus en plus petit et de plus en plus performant, à tel point qu’on le distingue désormais à peine.
Un quart des Français malentendants liés à l’âge refuse de s’équiper. Pourquoi ?
Tout d’abord, le prix reste très élevé puisqu’on trouve difficilement un appareil à moins de 1500 euros, pour une durée de vie de 4 ou 5 ans. Beaucoup de personnes renoncent donc à s’équiper pour des raisons financières. D’autre part, porter un appareil auditif a un impact sur l’image que l’on a de soi et que l’on donne aux autres. Si les lunettes sont bien acceptées, l’appareil auditif reste très connoté. Il est lié à la vieillesse et aussi au handicap : ne pas entendre, c’est donner l’impression qu’on ne comprend pas. Enfin, un dernier frein concerne le partage d’expérience. Les gens se renseignent autour d’eux et ont fréquemment des retours négatifs : l’appareil ne fonctionne pas bien, il siffle, il faut souvent changer les piles.… Cela n’incite pas à en porter.
« Je conseille aux patients qui relèvent de l’appareillage de faire un essai chez un audioprothésiste avant d’acheter des appareils. »
Quel est le parcours à suivre pour s’équiper d’appareils auditifs ?
En théorie, le patient doit consulter son médecin traitant généraliste qui effectue un test rudimentaire de son audition. Puis il consulte un ORL qui réalise une évaluation de son audition, pose un diagnostic et indique si le problème d’audition relève ou non de l’appareillage. Depuis quelques années, les campagnes de publicité de centres d’audioprothèses offrent des tests gratuits. Attention cependant car l’audioprothésiste ne pose aucun diagnostic et n’effectue qu’une évaluation de l’audition. En tant que prescripteur, je conseille aux patients qui relèvent de l’appareillage de faire un essai chez un audioprothésiste avant d’acheter des appareils. Pendant deux à trois semaines, ils peuvent ainsi tester et s’habituer. Un essai sans engagement peut lever les freins à l’appareillage.
Quelles sont les dernières innovations ?
De nouveaux modèles sont créés en permanence. Il y a désormais des microprocesseurs dans les appareils pour traiter informatiquement le signal sonore. En termes d’autonomie, les progrès sont sensibles et certains modèles sont rechargeables. Il existe maintenant des appareils connectés, c’est-à-dire qu’ils sont reliés à un smartphone qui analyse l’environnement sonore et adapte le traitement du signal en temps réel. Enfin, il y a aussi des appareils totalement implantables : placés sous la peau, sous l’oreille, ils sont invisibles, très performants et fonctionnent avec une pile comme un pacemaker. Même si ces équipements sont très coûteux, les freins à l’appareillage devraient diminuer grâce à ces évolutions.
Jean-Marc Juvanon
ORL et chirurgien de la face et du cou au CHU de Fontainebleau et attaché au CHU Henri Mondor à Créteil.
Rédacteur en chef du portail internet www.orl-france.org